Durant l’été austral, c’est à la plage que se retrouvent les Mauriciens, en famille ou entre amis. Mais pour qui veut échapper à l’effervescence des plages publiques et profiter d’une parenthèse 100% nature, d’autres lieux existent. Des endroits idylliques et peu fréquentés qui offrent une déconnexion totale… pour un dimanche de découverte et de convivialité. L’îlot Bernache fait partie de ces lieux secrets.
Vivre un dimanche à la mauricienne
Chaque dimanche depuis mon arrivée à l’île Maurice, je me délecte du folklore local qui se déploie le week-end sur toutes les plages publiques de l’île. La première fois que j’ai assisté au grand spectacle dominical, c’était sur la magnifique plage de Mont Choisy, dans le nord de l’île, un dimanche de janvier.
De Flic-en-Flac à Péreybère en passant par Trou-aux-Biches, je me suis amusée à découvrir une nouvelle plage chaque semaine. Et bien que le décor varie, l’ambiance, elle, était toujours identique. Bizarrement, j’avais l’impression d’être une spectatrice, seule avec ma serviette installée à l’ombre des filaos, entre trois tentes et deux démonstrations de séga.
Alors le jour où l’on m’a proposé cette escapade à l’îlot Bernache, je n’ai pas hésité bien longtemps. J’ai eu envie de faire l’expérience d’un dimanche différent, de faire enfin partie du spectacle.
L’îlot Bernache : la promesse d’un petit paradis
« Tu connais l’îlot Bernache ? C’est juste à côté de l’île d’Ambre. On part de Grand-Gaube en bateau, et on y est en 20 minutes », m’avait assuré Constantin.
« Tu verras, là-bas, c’est autre chose que la plage publique. Tu vas vivre ton premier dimanche de Robinson ! Et surtout, n’oublie pas ton masque, ton tuba et ta crème solaire. »
Excitée par la perspective de cette nouvelle découverte, je prépare mon sac dès le samedi soir. A 8h30 le dimanche matin, je suis au point de rendez-vous. Constantin a déjà mis le bateau à l’eau et s’affaire à charger glacière, packs d’eau et sacs de plage à l’intérieur de sa petite barque en bois à moteur. Hommage à son île, son bateau est peint aux couleurs du drapeau mauricien, rouge, bleu, jaune et vert.
A 9 heures, notre petit groupe est prêt à partir pour l’aventure.
Naviguer vers l’îlot Bernache
Ciel bleu clair habillé de quelques nuages blancs, petite brise, légère houle : le temps est idéal pour notre excursion. L’air marin me fait même oublier la chaleur pesante de l’été austral. Installée à l’avant du bateau, je reçois quelques gerbes d’eau. Je suis éblouie par le camaïeu de bleus, du lagon turquoise à l’indigo qui habille l’océan au-delà de la barrière de corail.
Soudain, la bateau ralentit et d’autres couleurs attirent mon regard. Le noir des rochers, le vert des filaos dont les élégantes branches dansent sous le souffle des Alizés et le jaune clair des fines bandes de sable, viennent désormais côtoyer le bleu lagon. Avant même d’avoir posé le pied sur l’îlot Bernache, je suis émerveillée par la beauté du lieu et sa luminosité éclatante.
Marcher, nager, admirer : l’îlot 100% nature
« Bienvenue à l’îlot Bernache ! , lance joyeusement Constantin. Ici, on peut tout faire, chanter, danser, nager, manger, boire. La seule chose interdite, c’est d’abîmer la nature. Donc on repart avec toutes nos affaires, ni plus, ni moins. »
Sur le moment, je ne comprends pas la mise en garde de Constantin.
Après avoir amarré le bateau, nous débarquons. Impossible d’échapper au premier bain de pied — jusqu’aux genoux — pour rejoindre le rivage. Je décide alors de partir explorer l’îlot pour profiter de cet espace vierge avant que d’autres bateaux n’arrivent. Constantin me rejoint.
« C’est beau ici, tu ne trouves pas ? Beaucoup de personnes viennent y pique-niquer sans faire attention, ils jettent leurs papiers, leurs gobelets. Pourtant, l’îlot Bernache est une réserve naturelle. Comme l’île d’Ambre. C’est une île de formation corallienne et elle est entourée de rochers volcaniques et de mangroves. Avec les îlots du Nord comme l’îlot Gabriel et l’île Plate, Bernache fait partie des petits joyaux de l’île Maurice qui ne sont pas encore trop envahis. Profitons-en ! »
Art de vivre mauricien : le pique-nique du dimanche
Sur les conseils de Constantin, j’ouvre grand les yeux. J’observe le sol, les arbres, le rivage. Je saute de rocher en rocher. En tournant la tête vers le Sud, je vois les sommets des pitons embrasser le ciel. Vers le nord, je distingue l’île Ronde et l’île aux Serpents, ces deux bouts de terre dotés d’une faune et d’une flore endémiques, protégés et interdits d’accès.
Ma rêverie est interrompue par la musique Séga qui annonce le début des festivités : « Apéro rhum-coco ! ». Quand je retourne à la plage, le reste de mon petit groupe a trouvé le meilleur endroit pour trinquer. Eau à mi-cuisse et verre à la main, ils m’invitent à les rejoindre. Je fais alors la connaissance d’Arlette, Didier, Anjoo, Amreesh, Steven, Erika, Ajagen et Joshila.
Passionné d’histoire, Didier nous raconte celle de l’îlot Bernache : « Ce nom aurait deux origines possibles. Dans une première version, îlot Bernache, le nom viendrait d’un ancien colon, François de Bernage, dont on aurait déformé le nom en ‘Bernache’. L’autre version, qui s’écrit île aux Bernaches, évoque les bernaches, c’est-à-dire les petits coquillages que l’on trouve sur les rochers ou les cordes de bateau immergées… C’est ce qui est intéressant à l’île Maurice : les noms des lieux sont chargés d’histoire. Après l’apéro, je vous raconterai celle de l’île Ronde et de l’île aux Serpents. » Finalement, nous en restons là avec les histoires de Didier. L’apéro se prolonge en rires et en blagues, avant que ne soit servi le poisson grillé. « Du sacré chien », précise Constantin ! La banane flambée proposée en dessert nous laisse repus.
Jusqu’au coucher du soleil, s’émerveiller
Après une sieste à l’ombre des filaos, j’enfile masque et tuba pour partir à la rencontre du monde aquatique. Ajagen, qui semble bien connaître l’endroit, me propose de le suivre : « Si tu veux, je te montre où tu peux voir des porcelaines, les coquillages tigrés ayant la même forme que les cauris. Suis-moi. »
Ainsi se déroule l’après-midi sur l’îlot Bernache : à la découverte des poissons et des coquillages. Vers 16h00, Constantin sonne l’heure du départ. Nous sommes les derniers à quitter l’îlot, que nous laissons aussi vierge qu’une île déserte.
Le trajet du retour nous offre un nouveau spectacle : celui de la mer scintillante éclaboussée par les rayons du soleil couchant. Le ciel aux teintes orange annonce la fin de la journée. Déjà ce dimanche s’achève. Et cette fois-ci, ce n’est pas la musique des transistors qui résonne dans mes oreilles, mais la mélodie des vagues et des filaos agités par la brise. Un souffle de poésie m’accompagne. Point de nostalgie, mais un émerveillement infini.
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