La voix qui dénonce, la psycho-sociologue qui agit
Voilà maintenant trois jours que je suis arrivée à l’île Maurice. Comme au premier jour, tout continue de m’émerveiller : le chant des oiseaux au petit matin, le bruit du vent dans les filaos, les odeurs mêlées d’encens et de canne à sucre brûlée, la saveur sucrée des ananas achetés en bord de route et dégustés sur la plage.
Ici, je me sens libre, légère, heureuse.
Jusqu’à ce matin.
Comme chaque jour, je me suis levée tôt, j’ai dégusté un café et j’ai traversé la route côtière pour aller nager dans le lagon. Quand je reviens, une demi-heure plus tard, j’ai l’appétit aiguisé et l’envie de dévorer toutes les saveurs qui se présentent sous mes yeux.
D’habitude, je suis accueillie par Sindhy. Fine comme une liane, un peu mal à l’aise dans son uniforme, Sindhy a un sourire radieux. Mais étrangement, dans son regard pétillant, j’ai l’impression d’y lire de la tristesse.
Ce matin, je ne vois pas Sindhy s’activer entre les tables à la recherche d’une tasse de café vide ou d’une assiette à débarrasser. C’est peut-être son jour de repos… Mais non : je l’aperçois en cuisine, derrière la porte battante qui ne cesse de s’ouvrir et de se fermer à l’heure de pointe du petit déjeuner. Elle ne me voit pas. Dommage, j’aurais bien aimé la saluer.
Je finis mon petit déjeuner, retourne à ma chambre et prépare mon sac pour la journée.
A 10 heures, je quitte l’hôtel pour rejoindre Port-Louis.
C’est là, dans le hall d’entrée, que j’aperçois Sindhy. Elle est en train de discuter avec une femme d’une quarantaine d’années. Elles ont l’air de se connaître. Sindhy garde la tête baissée, la main droite posée sur sa joue. Je la vois acquiescer. La femme qui lui fait face lui parle tout en lui caressant le bras. Puis elles se saluent rapidement. Quand je vois Sindhy partir, je l’interpelle : ‘Bonjour Sindhy, vous allez bien ?’ Elle se retourne sans réfléchir, sans penser couvrir cette joue gonflée qui déforme son sourire. Car malgré tout, elle me sourit, avant de s’éclipser.
Quand je me retourne, la dame aux cheveux courts se tient debout à côté de moi.
Elle aussi essaie de me sourire, peut-être pour me laisser entendre que tout va bien, que tout va rentrer dans l’ordre. J’ai tellement envie de la croire que je n’ose pas ouvrir la bouche.
Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle répond pourtant à mes questions silencieuses. Qui elle est, pourquoi elle connaît Sindhy, comment elle essaie de l’aider.
Ce jour-là, le 3e jour de mon séjour à l’île Maurice, je ne l’oublierai pas.
Car c’est le jour où j’ai découvert la violence éclatée sur le visage radieux qui me souriait chaque matin. C’est aussi le jour où j’ai rencontré Mélanie.
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